Plusieurs études ont
établi que les enfants mâles étaient davantage affligés par les désordres
psychiatriques et neurodéveloppementaux de l'enfance. Après analyse des
résultats et comparaison, il a été démontré que si les garcons sont atteints
plus fréquemment, les filles le sont plus sévèrement. De plus, alors que le
désordre chez les filles semble surtout médié par le génotype, le désordre
retrouvé chez les garcons tient davantage d'une interaction entre le génotype et
1 environnement.
Les complications de
la grossesse et de l'accouchement sont également plus fréquentes chez les
garçons. Somme toute, une hypothèse se pose à connaître ce qui rend le milieu
utérin si inhospitalier pour le foetus mâle. C'est ainsi que fut amené la notion
d'immunoréactivité maternelle (IM), à savoir une certaine antigénicité du foetus
mâle qui évoquerait l'IM.
Parmi les conditions
retrouvées davantage chez les garçons, on note: le retard mental, l'autisme,
l'hyperactivité, la dyslexie, l'épilepsie, la dysphasie, la paralysie cérébrale
et le troubles des conduites.
Afin d'expliquer ce
phénomène, les recherches se sont d'abord tournées vers la génétique. Le
chromosome Y étant plus petit que le X, ceci confère aux filles une supériorité
quantitative de 45% en matériel génétique. Cette différence entre un foetus
femelle diploïde et un foetus mâle haploïde allait peut-être apporter une forme
d'explication.
Il est maintenant
acquis que le développement et la maturation sont plus lents chez le
garçon et
puisque les organismes immatures sont plus susceptibles aux dommages, les
garçons sont plus
vulnérables aux
facteurs environnementaux. Egalement, le cerveau mâle étant plus complexe par
son développement, les opportunités pour des erreurs seraient plus grandes.
De telles hypothèses
demeurent intéressantes mais difficiles à prouver.
Lorsque l'on analyse la structure des différences sexuelles, on remarque que les
formes les plus sévères de la maladie se retrouvent chez les filles ex.
mortalité accrue, déficience mentale plus sévère etc. I1 y aurait donc une
dissociation entre les éléments de fréquence et ceux de sévérité, le désordre
neurodéveloppemental étant davantage génétique chez la fille et plus associé
aux complications néo-natales chez le gar~7,on donc moins spécifique et plus
diversifié. Par exemple, la dyslexie pure est plus fréquente chez la fille ce
qui constitue un modèle génétique pour expliquer les difficultés
d'apprentissage. De plus, l'histoire familiale est davantage positive pour
plusieurs désordres affectant les filles à laquelle s'ajoute une plus grande
concordance entre jumeaux monozygotes schizophrènes.
Lorsque l'on analyse
les résultats, on remarque donc qu'un bagage génétique substanciel est requis
pour l'expression chez la fille alors qu'il l'est moins chez le garçon. Alors
pourquoi le foetus mâle est-il plus exposé aux difficultés pré et périnatales?
Deux hypothèses ont été proposées. La première suggère un facteur endocrinien,
une avenue intéressante mais difficile à démontrer. La deuxième, encore plus
fascinante, fait appel à un phénomène immunitaire antigénique et introduit les
notions d'insuffisance maternelle et d'effets négatifs de la parité.
L'hypothèse
antigénique tient sa source de l'observation d'un phénomène de mémoire entre
chaque grossesse, l'incidence de complications de la grossesse et de
l'accouchement augmentant avec le nombre de grossesses, les derniers étant plus
affectés. Ce gui est hérité dans l'insuffisance maternelle, c'est une capacité
génétique accrue à réagir immunologiquement à l'antigène foetal.
Deux hypothèses ont
été proposées afin de caractériser cet antigène foetal baptisé Ag H-Y. La
première serait qu'il serait spécifié par un gène sur le chromosome Y alors que
la deuxième parle d'un gène répresseur sur l'X et d'un gène inducteur sur l'Y.
Nous savons que l'Ag H-Y est essentiel pour l'organisation testiculaire et qu'il
est toujours absent chez la fille. Plusieurs évidences cliniques suggèrent que
le foetus mâle est plus antigénique que le foetus femelle. Par exemple, on note
une dissémination plus agressive des cancers trophoblastiques si le conceptus
est femelle.
Afin de compenser
cette plus grande susceptibilité aux maladies, la nature a produit un excès de
mâles à la conception. Une autre évidence clinique veut que la non-similarité
antigénique induise davantage la croissance du foetus et du placenta. Il est
aussi à noter que plus il y a de grossesses, moins il y a de garçons à la fin et
le poids du foetus et du placenta a aussi tendance à augmenter.
Une étude sur des
garçons autistiques a établi que les complications de la grossesse avaient été
plus fréquentes chez les garcons qui avaient des frères plus âgés que chez ceux
qui avaient des soeurs plus âgées. Au plan neuro-développemental, il a été
prouvé que le cerveau pouvait être aussi la cible des attaques immunes. Le
cerveau est antigénique, la barrière hémo-encéphalique n'étant pas protégé des
anticorps maternels ce qui constitue, une fois de plus, une piste immunologique
dans les désordres neurodéveloppementaux.
Des études de
fertilité ont également établi qu'une histoire d'infertilité relative était
établie davantage chez les mères d'enfants présentant des problèmes ce qui
réfère aussi à la théorie antigénique. D'autres études, portant sur le quotient
intellectuel, ont démontré que le rang de naissance avait un effet négatif plus
grand chez les garçons que chez les filles, le QI étant plus élevé chez les
premiers de famille. Ainsi, l'effet de la parité est plus négatif chez le
garçon.
De telles études
sont fascinantes à souhait et semblent nous orienter vers une explication
biologique probable. Malgré tout, compte tenu que dans plusieurs avortements
spontanés le sexe n'est pas déterminé et que, pour chaque étude, davantage de
sujets seraient nécessaires, la théorie antigénique connaît certaines limites.
Les effets de la déprivation parentale n'ont également pas encore été établis.
La plus grande susceptibilité à la maladie, l'insuffisance maternelle et l'effet de parité négative sont tous des facteurs qui affectent davantage les garçons. A la lumière de la génétique et
de l'immunologie,
l'hypothèse antigénique demeure actuellement celle qui semble la plus compatible
avec les phénomènes observés. Si elle s'avouait exacte, elle pourrait s'avouer
fort utile afin de développer des stratégies de prévention des désordres
neurodéveloppementaux de l'enfance.
Denis Chauret
Stagiaire-médecine
4ième, en psychiatrie
Université de Montréal, 28 juin 1993