Lanxiété et le déficit de l'attention
Environ le tiers des enfants souffrant dun déficit attentionnel auront des tendances anxieuses ou anxio-dépressives; la plupart du temps c'est le seul diagnostic des troubles affectifs qui l'emporte, avec orientation exclusive vers les thérapies psychodynamiques comme la thérapie de jeu, d'inspiration psychanalytique. Il sagira plus souvent de lenfant timide qui se fait facilement aimer, capable de respecter les règles par crainte de déplaire à l'entourage et qui sépanouit en présence de lattention exclusive.
Ces apparences peuvent être assez trompeuses. Dès que lon évalue le comportement attentionnel, les tendances à la distraction, à la dispersion et au manque dorganisation, dans le temps et lespace, deviennent plus qu'évidentes. La séparation ou la transition d'une activité à l'autre provoque anxiété, agressivité et crises. Il faut croire qu'à défaut d'anticiper le changement, comme situation meilleure que le présent, c'est l'anxiété qui monte et nourrit la crise. Le moindre retard de maturation s'accompagne toujours d'un certain degré de déficit attentionnel qui fragilise d'autant la notion de temps.
L'on peut imaginer que l'enfant vit l'instant présent comme unique, infini, magique, sans lien naturel avec le passé ou le futur, à condition d'avoir du plaisir immédiat. Cependant, dans le déplaisir, il fuit et se dissocie dans une fabulation futuriste, sans lien cette fois avec le présent. Il reste que toute transition devient la zone sensible que l'on se doit d'apprivoiser. Mettre des mots sur le temps qui passe, dénommer les jours, les heures, les minutes, anticiper et prévoir le changement. Positiver l'avenir par des récompenses, comme pour améliorer l'attrait de ce qui vient. Le seul fait de donner cinq minutes d'avertissement à la transition, et de la soutenir par un bonus ou des paroles chaleureuses permet de régulariser un grand nombre d'anxiétés juvéniles, même au cas où l'enfant serait naturellement anxieux.
Sans notion temporelle, la séparation ou la transition devient une catastrophe, un cataclysme. Sans conviction que le futur contient aussi le meilleur, l'avenir est un cauchemar. Même en vieillissant, l'enfant peut croire que le parent ne reviendra plus quand il quitte, que l'activité ou le jeu ne sera plus disponible dès qu'il cesse, que de perdre maintenant, c'est perdre toujours sans espoir de réparation. Alors il s'obstine pour gagner sur-le-champ ou conserver son activité favorite, et finalement se figer dans le présent infini. Le défi serait de transférer le présent dans le futur ou même le passé parfois, par un lien concret de continuité qui soit au niveau du développement de l'enfant. Toute stratégie qui vise ainsi à prévoir, soutenir, encadrer, ne peut que faire du bien. Et l'affrontement ne conduire qu'à l'échec, car il est la négation pure de la fragilité.
Sans notion de temps, la pensée se fixe au mode magique, là où les croyances sont extrêmes, toutes noires ou blanches, bonnes ou mauvaises, spécialement concrètes et vides d'abstraction; elles seront alors tyranniques, envahissantes, irrationnelles et intemporelles. C'est une pensée fort agréable dans ce que l'on aime, mais persécutive dans la frustrration et les consignes de réalité.
Dr Claude Jolicoeur, psychiatre
Montréal, janvier 2000.